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MISE EN BIERE ARTISTIQUE OU QUAND LES APPARENCES SONT TROMPEUSES

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Appareil photo nouvelle génération ou pas ?
 
 
Il y’ à quelques siècles, Benjamin Franklin, l’un des Pères Fondateurs des Etats Unis d’Amérique, estimait que seules deux choses étaient certaines dans ce monde :  les impôts et la mort.
 
Et force est de constater que nous sommes tous égaux, jeunes, vieux, riches, bien portants, malades, blancs, noirs, jaunes, devant cette dernière que nous redoutons  et espérons voir arriver le plus tard possible. 
 
 
 Pourtant, bien qu’ayant conscience de cette vérité, certaines morts peuvent laisser un goût amer, outre un sentiment d’incompréhension doublé de colère !
 
 
A l’instar des événements tragiques de cette semaine où la Faucheuse a brutalement emporté des hommes.
 
 
Certains qui avaient eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment et d’autres qui, à coup de simples crayons, défendaient une liberté fondamentale, intemporelle et universelle de l’homme, inscrite notamment  et pour rappel à l’article 11 de la Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et à l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.
 
 
Celle d’expression..
 
 
Triste temps que celui de vivre à une époque où l’on peut être assassiné en défendant une liberté si chèrement acquise, au prix d’âpres luttes et combats,  au fil des siècles.
 
 
Une liberté qui est l’un des gages d’une société démocratique.
 
 
Mais je veux croire que, tel le roseau de Jean de la Fontaine, la liberté d’expression aura peut être plié mais n’aura pas rompu.
 
 
Je veux également croire, à l’instar de l’écrivain français Paul Eluard qui en 1943 ( soit durant les heures sombres de l’Etat Français de Vichy) militait alors pour une poésie engagée que la liberté d’expression, laquelle a ces derniers mois été « mise au défi’,  a  » crié puis accusé »  a, in fine, toujours aujourd’hui de quoi « espérer ».
 
 
En rédigeant ce billet, cette citation de Paul Eluard, tirée du recueil  L’Honneur des Poètes, « la poésie mise au défi, crie, accuse et espère », que j’avais du commenter à l’aune des Châtiments de Victor Hugo lors de mon épreuve de bac français en 1ère L, il y’a une quinzaine d’années, m’est aussitôt revenue à l’esprit.
 
 
Véhiculant un message d’espérance, elle m’a semblée à propos dans le contexte actuel.
 
 
C’est pourquoi j’ai voulu la partager avec vous. ………….
 
 
Après cet aparté, ô combien nécessaire à mon sens, revenons en au sujet de l’article qui m’occupe .
 
 
Si, aujourd’hui, à tort ou à raison, la mort et l’idée de voir partir un proche, quand bien même celui ci vivrait le martyr et aurait manifesté le désir d’être euthanasié (cf affaire Imbert), fait, dans les sociétés occidentales, peur,  il n’en a pas toujours été ainsi.
 
 
Faisons, en effet, un bond historique dans le temps et remontons à l’époque du philosophe Sénèque.
 
 
Pour ce stoïcien, il ne fallait pas redouter la mort car c’est le seul bien que l’on ne pourrait pas regretter d’ avoir perdu faute d’être encore là pour nous en rendre compte.
 
 
De même, pour les bouddhistes, l’existence terrestre n’est au final que peu de chose car la vie dans l’au- delà, calquée sur celle de notre vivant, est, elle, bien plus importante.
 
 
In fine et plus près de nous dans le temps,  le poète Arthur Rimbaud estimait que « la vraie vie est ailleurs ».
 
 
Autant de visions, face à l’appréhension de la mort, auxquelles on peut, ou non, souscrire.
 
 
Toujours est t’il que si je vous en parle aujourd’hui  c’est à raison !
 
 
En effet, il y à quelques années je suis tombée sur un reportage télévisé consacré aux dernières demeures, aka les cercueils, de nos défunts.
 
 
Et il n’était pas réalisé par les services des pompes funèbres !
 
En effet, ce documentaire se déroulait dans un pays qui a été plusieurs fois à l’honneur sur le blog : le  Ghana.
 
 
A bien y réfléchir, ce n’est quelque part pas très étonnant que le cadre dudit reportage se soit situé dans un pays africain quand on sait l’importance que revêtent les rites funéraires, souvent l’occasion (notamment) de dépenses coûteuses et de sorties de deuil en fête, sur ce continent.
 
 
Du moins,  pour ce que je connais de leur déroulement  en Afrique de l’ouest.
 
Enfin, trêve de bavardages, laissez moi vous révéler de quoi il s’agit 🙂
 
 
A LA DÉCOUVERTE DE LA CAPITALE GHANÉENNE DES CERCUEILS FIGURATIFS
 
 
Teshie, un ancien village de pêcheurs, devenu le berceau de ses cercueils originaux
 
 
Traditionnellement et dans l’imaginaire commun le cercueil est  sobre, sans chichis.
 
 
Mais là bas, là ou ce reportage m’a emmenée, il en était autrement comme vous allez maintenant vous en rendre compte.
 
 
Ainsi, à Teshie, un ancien village de pêcheurs de l’ethnie Ga, depuis devenu une banlieue de la capitale ghanéenne, situé sur la route côtière reliant  désormais Accra à Tema ( le port le plus important du pays), un menuisier charpentier a révolutionné l’art de la fabrication des cercueils : Mr Kane Kwei père (Seth).
 
 
Le fait que ces cercueils figuratifs soient nés sur le territoire Ga n’est certainement pas le fruit du hasard.
 
 
En effet ce peuple a une conception différente de la mort.
 
 
Elle n’est pas la fin d’une vie mais le début d’une autre dans un  monde différent.
 
 
Dès lors tous les moyens doivent être mis en place pour assurer au défunt la meilleure vie dans l’au-delà ( ce qui rejoint en partie les rites funéraires de l’Egypte pharaonique où les rois étaient enterrés avec vivres ainsi que divers meubles et objets comme je vous en parlerai bientôt dans mon article consacré à la Vallée des Rois et des Reines) ainsi que pour lui offrir des obsèques grandioses.
 
 
Chez les Ga, cela passait notamment par l’ enterrement, parfois, de leurs chefs dans les somptueux palanquins figuratifs sur lesquels ils étaient transportés.
 
 
Pour en revenir au sujet du billet d’aujourd’hui, tout débuta il y’ a quelques décennies, vraisemblablement dans le milieu des années 40 et le début des années 50, lorsqu’un menuisier du nom d’Ataa Owuo (ou Ataa Oko selon les sources) décida, après avoir assisté à l’enterrement d’un chef de village inhumé dans son palanquin, de fabriquer à son tour de tels cercueils.
 
 
L’occasion lui fut donnée, quelques mois plus tard, lorsqu’ au décès de sa grand mère il entreprit de lui construire un cercueil en forme d’avion.
 
 
En effet et de son vivant, le rêve de celle ci avait été de voyager à bord de ce dernier.
 
 
Se faisant, il réalisait, postmortem, son vœux, le plus cher !
 
 
Il ignorait, par ailleurs, qu’il venait de lancer une tendance qui allait perdurer jusqu’à aujourd’hui.
 
 
Malheureusement, Mr Ataa Owuo, décédé en 2012 à l’âge de 93 ans,  est peu connu en Occident car il a essentiellement fabriqué des cercueils pour la clientèle locale.
 
 
Le mythe de l’invention de ces surprenantes sépultures s’est donc cristallisé (un peu injustement) autour d’un autre de ses contemporains, dont les cercueils ont été reconnu internationalement : Mr Seth Kane Kwei.
 
 
En effet et au début des années 1950, ce dernier décida à son tour, pour honorer un de ses amis pécheurs qui venait de mourir, de lui fabriquer un cercueil en forme de barque.
 
 
Face aux nombreuses autres commandes qui lui parvinrent après ce premier essai, Mr Kane Kwei créa et installa son atelier, spécialisé dans les cercueils figuratifs, à Teshie.
 
 
C’était le début d’une activité florissante qui perdure toujours.
 
 
Vous devez sans doute vous posez, à présent, un certain nombre de questions pratiques, relatives notamment à la fabrication, au coût ou encore au choix du modèle.
 
Pour ce qui est de ce dernier, il est le plus souvent dicté par les activités professionnelles ou les passions du défunt.
 
 
Ainsi ce sera un oignon pour un agriculteur, une Mercedes pour une personne fortunée, un aigle pour les chefs ou encore des instruments musicaux pour les musiciens.
 
 
Pour autant,  Animaux, Objets, Fruits et Légumes, véhicules  et même proverbes ( dans ce cas ces cercueils sont appelés les abebuu adekai) peuvent aussi servir d’ inspirations.
 
 
Construits en bois local ou plus exotique, donc plus coûteux, s’agissant des modèles devant être exposés à l’étranger, ces cercueils  peuvent être réalisés en un délai variant d’une journée (en cas d’extrême urgence) à une, voire, deux semaines tout au plus.
 
 
Leur coût, quant à lui, varie, selon l’expérience et la renommée du menuisier ainsi que la complexité du modèle choisi, entre quelques centaines et quelques milliers de dollars.
 
 
Cela représente une somme astronomique en cedi, la monnaie locale adossée aux dollars.
 
 
Pour vous donner une idée : cette semaine 1 euro équivaut à environ 3,79 cedi ghanéen !
 
Ce n’est donc pas peu dire que l’achat d’un cercueil grève considérablement le budget alloué aux funérailles… mais rien n’est trop beau pour le dernier voyage du défunt !
 
 
A la mort de Kane Kwei père, décédé au début des années 90 à l’âge de 70 ans, ce sont ses deux fils puis son petit fils, Eric Adjetey Anang , un jeune homme de 29 ans,  reconnu localement et internationalement pour son talent, qui ont repris, avec brio, les rennes de l’entreprise.
 
 
L’engouement autour de leurs cercueils ne faiblit pas car certains d’entre eux ont  été exposés, à l’étranger, dans divers galeries et musées et  d’autres ont même été spécialement commandés par ces mêmes institutions.
 
 
Eric Adjetey Anang fait, en outre, l’objet de nombreux films et reportages.
 
 
Il participe aussi à des rendez-vous internationaux dont des séjours résidences à l’étranger ou en organise au Ghana pour apprendre à d’autres artistes son savoir faire en la matière.
 
 
S’il vous fallait une preuve supplémentaire de l’intérêt qu’il suscite, j’ai appris, une fois sur le sol ghanéen, que certaines agences de voyages locales proposent même des visites guidées de l’atelier Kane Kwei aux touristes intéressés.
 
 
Il n’en fallait pas plus pour m’inciter à insérer dans mon itinéraire ghanéen,  d’il y’ a un an, un stop à Teshie pour découvrir ces  » so artistic and beautiful coffins » (cercueils).
 
 
Le lendemain de mon arrivée, après avoir quitté la bouillonnante Osu et sa villa boutique hôtel et avant d’aller prendre mes quartiers au Labadi Beach, j’ai pris la route de Teshie.
 
 
Pour être franche, celle ci se situe à à peine quelques kilomètres du Labadi Beach.
 
 
Eh oui, toujours être organisé dans ses déplacements :).
 
 
Un commerce qui fait les beaux jours de nombreux menuisiers de Teshie
 
 
Je n’ai pas tout de suite trouvé l’atelier de Kane Kwei, car d’autres menuisiers, souvent ses anciens apprentis à l’instar notamment de Papa Joe, ont ouvert leur propre entreprise de cercueils figuratifs dans la ville.
 
 
Croyant être arrivée à destination, je me réjouissais d’avance, en montant les marches qui m’emmenaient à la plateforme où se trouvaient les œuvres que j’entrevoyais déjà depuis la chaussée, à l’idée de ce que j’allais voir.
 
 
Et je ne fus pas déçue !
 
 
Bouteille de coca cola, de Star ou de Club (des marques de bières locales), sèche-cheveu, cœur, ananas ou appareil photo numérique.
 
 
Tous semblant plus vrais que natures !
 
Qu’en pensez vous ?
 
 

 

 

 

 

le cœur
sèche cheveu
Ananas

 

Et l’atelier KANE KWEI fut !
 
 
   Mais c’est l’atelier  Kane Kwei que je souhaitais voir.Après quelques indications fournies par des marchandes rencontrées en chemin, je suis enfin parvenue, quelques centaines de mètres plus loin, dans l’antre du maître.
 
 
Il était déjà treize heures et personne, exceptée une dame dégustant un kenkey (un mets local à base de mais accompagnant sauces ou grillades) avec du poisson frit, n’était dans l’atelier.
 
 
   Sur place quelques cercueils étaient déjà terminés: notamment un coq, une bouteille de bière, un siège ainsi qu’un palanquin royal Ashanti tandis que d’autres étaient encore en train d’être creusés.
 
 
   Nonobstant la brièveté de ma visite et la déception de ne pas avoir été en mesure de rencontrer, dans l’atelier, Mr Anang, lequel estime être un artiste et pas uniquement un menuisier, je suis ravie d’avoir vu, de mes propres yeux, ce que beaucoup considèrent désormais comme une formidable illustration de l’art contemporain ghanéen.
 
 
Et vous qu’en dites vous ?

 

la devanture de l’atelier Kane Kwei
cercueil en phase de construction
Lager, une autre bière
palanquin ashanti

AUTEUR - Le Pigeon Voyageur

Et si le cœur vous en dit, vous pouvez également partager avec moi vos impressions, émotions et pourquoi pas interrogations après lecture de cet article et découverte de ces photos (toutes prises par mes soins). Alors à vos plumes !

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