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FENIX MUSEUM, CET INEDIT ECRIN EXPLORANT LES MIGRATIONS A TRAVERS LE PRISME DE L’ART

  |   ARCHITECTURE, ART & CULTURE, EUROPE, MUSEE, PAYS BAS, TOUS, VOS ENVIES   |   No comment

                                                                                Yinka Shonibare , Refugee Astronaut IX, Fenix Museum

 

 

A l’heure où, face à la montée croissante du populisme, du nationalisme et de l’extrême droite, l’Etranger fait, un peu partout dans le monde, figure d’idéal bouc émissaire,

 

A l’heure où l’Immigration, accusée de tous les maux, se voit plus que jamais contrôlée par des lois (toujours plus) restrictives,

 

Choisir de dédier aux migrations une enclave culturelle d’envergure où elles seraient racontées à travers le prisme d’un Art Contemporain pluriel tient, assurément, lieu d’acte de résistance.

 

Tel est pourtant l’engagement incarné à plus d’un titre, depuis la mi-mai, par l’aussi exceptionnel qu’inédit Fenix Museum.

 

The Tornado, Fenix Museum 

 

 

Ayant à Rotterdam, pluriséculaire ville portuaire hollandaise dont les migrations ont inexorablement façonné l’identité, investi un ancien entrepôt utilisé, dès 1923, à des fins de stockage et d’expédition par la florissante compagnie maritime, fondée ici à la fin du 19 ème siècle, Holland America Line.

 

Qui, depuis les quais, situés au bord de la Meuse, de la péninsule de Katendrecht, assurait alors , et ce jusqu’au début de la seconde guerre mondiale, le transport régulier de fret outre celui de millions de voyageurs.

 

Vers et depuis les Indes Orientales Néerlandaises, d’autres pays asiatiques et le Nouveau Monde ( Etats-Unis & Canada principalement).

 

Objet d’une aussi majestueuse que minutieuse restauration, menée avec brio, pendant 5 ans, par l’architecte Ma Yansong et le cabinet MAD Architects, cet entrepôt du 5 Paul Nijghkade, dont les murs transpiraient déjà l’Histoire du Voyage et des déplacements transfrontaliers, a donc embrassé un nouveau destin, résonnant néanmoins avec le passé des lieux, en se métamorphosant en ce fabuleux écrin qu’est le Fenix Museum.

 

 

 

Là où Art, Photographie, Histoire et Architecture, en faisant notamment fi des époques, des espaces géographiques et des pratiques artistiques, forment ainsi la trame de singuliers récits :

 

Permettant une meilleure appréhension des migrations, 

 

Contribuant, ce faisant, au plus que nécessaire dialogue entre Histoire d’hier et Histoire d’aujourd’hui,

 

Favorisant une conversation, mêlant avec justesse l’intime à l’universel, qui souligne, par ailleurs, à quel point l’évocation des migrations est, à bien y réfléchir, indissociable de celle de l’Humanité.

 

Autant de fils conducteurs qui se dévoilent sitôt le seuil du Fenix Museum franchi.

 

A commencer par le spectaculaire, et déjà iconique, chef-d’Å“uvre architectural qu’est The Tornado.

 

 

 

Etourdissante épine dorsale du Fenix Museum, ce magnifique escalier à double révolution, en acier et bois, recouvert de miroirs réfléchissants,

 

 

non content de desservir les différents espaces et de mener jusqu’à la magnifique plateforme d’observation, révélant d’inouïes perspectives, depuis le sommet de l’édifice, sur la skyline rotterdamoise, l’incontournable Hôtel New York, la Meuse ainsi que les quais historiques ayant tout à la fois accueilli des immigrés et vu partir des émigrés,

 

 

matérialise également, au fil de son ascension, le cheminement et les détours intrinsèquement liés à tout processus de Migration.

 

Migrations que le musée explore donc au cÅ“ur de 3 espaces distincts, répartis entre le premier étage, où se déploie pour l’essentiel l’incroyable collection permanente, et 2 galeries, situées au rez-de-chaussée, accueillant une bouleversante exposition photographique, pour l’une, et une intimiste installation pour l’autre.

 

Baptisée « The Suitcase Labyrinth », cette dernière donne ainsi immédiatement le ton.

 

 

En invitant, tout d’abord, à déambuler dans un dédale

 

 

construit à partir de deux mille valises (de formes, tailles et couleurs différentes), utilisées lors de voyages effectués entre la fin du 19 ème siècle et 2024, dont les propriétaires (une quarantaine de personnes, au rang desquelles figurent Isis, Daisy ou Ernst, vivant à travers le monde) ont fait don au musée.

 

Le parcours de vie de ces hommes et femmes se laissant, ensuite, découvrir grâce aux audioguides fournis.

 

Quant à leurs valises, objets éminemment personnels, elles se sont muées en tangibles (et parfois seules désormais) gardiennes de la mémoire de leurs départs.

 

En plus de symboliquement témoigner, au regard des objets emportés qu’elles contenaient, de leur identité. 

 

 

 

« The Suitcase Labyrinth » sonde la mémoire, rimant, entre autre, avec courage, espoir, obstacles, résilience et souvenirs, des migrations.

 

Mais interroge aussi les motifs ayant présidé auxdits déplacements.

 

Tandis que j’arpentais cette installation, elle m’a également rappelée la monumentale Å“uvre « Accumulation : Searching for the Destination » (constituée de plus de 400 valises suspendues, se balançant pour certaines, par de longues cordes de fils de laine rouge) de Chiharu Shiota, à laquelle j’avais consacrée un post à retrouver ici .

 

Elle avait clôturé, de la plus belle des manières, « The Soul Trembles », la fascinante rétrospective célébrant l’artiste, il y a quelques mois, au Grand Palais parisien.

 

A l’autre extrémité du rez-de-chaussée du Fenix Museum, « The Family of Migrants »,

 

 

poignante exposition photographique rassemblant 193 clichés, pris entre 1905 et 2025 dans une cinquantaine de pays (Pays-Bas, Etats-Unis, Afrique du Sud, Turquie, Japon, Syrie, France, Inde, Mexique, Vietnam, Maroc, Allemagne, Pakistan, Cuba, Israël, Chine, Ethiopie, Ukraine, Afghanistan, Cap-Vert, Rwanda et Liban pour ne citer que ceux-là ), sans oublier sur la Mer Méditerranée,

 

Sergey Ponomarew, Greece

 

poursuit visuellement le récit, déjà entamé, desdites migrations.

 

Fussent elles volontaires ou forcées.

 

En les racontant grâce à des photographies, confidentielles ou célèbres,  prises par de grands maitres de la discipline (tels Dorothea Lange,

 

Migrant Mother, Dorothea Lange

 

Robert Capa, Raymond Depardon, Steve McCurry,

 

Sharbat Gula, The Afghan Girl, Steve Mccurry

 

Cristina de Middel, Ishiuchi Miyako ou Ernest Cole. Talentueux photographe sud-africain, contraint à l’exil durant l’Apartheid, que le réalisateur Raoul Peck célèbre dans un tout récent documentaire éponyme dont je vous parlais en décembre dernier ici  ) ou par de parfaits inconnus, me semblant encore plus intimes.

 

Car prises à hauteur d’Homme. Et racontant le destin de personnes.

 

Migration.

 

Avec ses joies, ses peines, ses espoirs, ses désillusions, ses attentes, ses difficultés et ses vulnérabilités.

 

Que l’on lit ou devine sur les visages fatigués,

 

 

dans les regards effrayés, les étreintes passionnées,

 

 

les adieux déchirants, les retrouvailles chaleureuses,

 

le bonheur d’avoir enfin (re)trouvé un « chez » soi ,

 

 la joie de se sentir appartenir à un lieu et de faire partie d’une communauté.

 

 

Instants fugaces, saisis à bord de trains et de bateaux;

 

dans les rues,

 

 

les aéroports

 

 

et les camps de réfugiés;

 

sur les quais;

 

 

au milieu des décombres

 

 

ou au sein des logements, qui parlent d’amour, de rêves, de liberté, de quête de sécurité, d’exil, d’identité, d’affirmation de soi, de sacrifices endurés, de recherche du bonheur, de survie, de guerre, de famille, de nouveaux départs, de voyage et de résilience face aux mille et uns dangers que cachent les longues routes migratoires empruntées.

 

Moments qui illustrent aussi la nécessaire adaptation aux changements dont font preuve toutes celles et ceux, enfants comme adultes,

 

 

qui, pour des raisons économiques, politiques, climatiques, familiales ou identitaires, migrent.

 

C’est ce changement de paradigmes vis-à-vis des migrations, ici impulsé par l’Art,  que l’exposition permanente intitulée  » All Directions, Art That Moves you »

 

World Passport

 

State of Being (Passport), Chiharu Shiota

 

Ode, Vincenzo DeCotis

 

The Boat, Abdalla Al Omari

 

, ayant pris possession du premier étage du Fenix Museum, exhorte ensuite plus précisément à embrasser.

 

Vehicle for the Seven Seas, Subodh Gupta 

 

EU/ Others, Sejla Kameric

 

Vlisco

(renommée entreprise hollandaise de Wax  évoquée dans plusieurs billets du blog à retrouver ici)

 

The Big Blue Slippers, Hana El-Sagini

 

Where are we going, Efrat Zehavi

 

The Bus, Red Grooms

 

Giants, Kikito and the Border Patrol, JR

 

bateau de migrants confisqué sur l’ile de Lampedusa

 

Par le biais de plus d’une centaine d’Å“uvres constituées de sculptures, peintures, autoportraits, installations immersives, photographies, vidéos, cartes, objets historiques et objets du quotidien.

 

Space Refugee, Omar Imam

 

Toilet door, circa 1940, USA

 

Remember me, Steve McQueen

 

Liberty for all, Fernando Sanchez Castillo 

 

The Mexican, Armando Marino

 

Bottari Truck Migrateurs, Kimsooja

 

Doors of Perception, Maurice van Tellingen

 

The Bus, Red Grooms

 

Abordant, de l’esclavage jusqu’à nos jours, les thèmes de l’Identité, des racines et de la représentation ;

 

Dénonçant colonisation, racisme, exclusion et préjugés;

 

Réfléchissant aux critères définissant le « chez soi »; 

 

Interrogeant l’effectivité des droits de libre circulation des personnes et de franchissement des frontières outre les questions de chance et d’égalité qu’elles sous-tendent ;

 

Explorant les capacités de langage;

 

Tirant la sonnette d’alarme au sujet des innombrables naufrages, survenus en mer Méditerranée, de migrants; 

 

Invitant, enfin et quoiqu’il arrive, à repenser notre perception de l’Altérité afin de ne pas dénier à l’Autre, peu importe ses différences, son Humanité.

 

Soit autant d’instructives réflexions faisant indiscutablement écho à l’actualité contemporaine.

 

De mon émouvante visite d’ « All Directions, Art that Moves you », je retiens, en outre, ma joie d’avoir pu  y contempler les Å“uvres engagées de plusieurs artistes, venus du continent africain ou issus de sa Diaspora, dont j’admire depuis longtemps le travail.

 

A l’instar, par exemple, de Yinka Shonibare,

 

Beya Gille Gacha,

 

Hands, Beya Gille Gacha

 

Meschac Gaba,

 

Tresses, Meschac Gaba

 

Gonçalo Mabunda,

 

The Throne of Consciences, Goncalo Mabunda

 

Omar Victor Diop,

 

Diaspora, Omar Victor Diop

 

William Kentridge  ( notamment évoqué, il y a quelques années, ici),

 

Refugee Diptych, William Kentridge

 

Seyni Awa Camara,

 

Untitled, Seyni Awa Camara

 

Laetitia Ky

 

Pow’hair ( Instead of Power), Laetitia Ky

 

ou encore Papa Joe & Kane Kwei (tous deux connus au Ghana, comme je l’évoquais il y a quelques années dans ce billet , pour la fabrication de cercueils figuratifs)

 

 

 

Reste que le Fenix Museum ambitionne, à raison, d’être bien plus qu’une atypique adresse culturelle évoquant le thème des migrations et préservant les mémoires y afférentes.

 

Il entend, au cÅ“ur de ce territoire chargé d’Histoire, en effet s’ancrer comme un véritable lieu de vie, de partage, de réflexion, de célébrations, d’échanges et de rencontres ouvert à tous ( résidents, touristes, locaux comme étrangers).

 

Où l’on puisse, sur sa vibrante agora, dénommée Plein, s’ouvrir au monde, vivre des expériences qui comptent et surtout apprendre à connaitre l’Autre.

 

A travers gastronomie, photographie, septième art et festivals organisés.

 

Entre autre.

 

Car comme le disait si justement, feu, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan » C’est l’ignorance et non la connaissance qui dresse les hommes les uns contre les autres » .

 

…..

 

Il est des lieux qui vous marquent de façon indélébile.

 

Par son propos engagé visant à changer les perceptions entourant le sujet des migrations,

 

sa curation pointue,

 

le continuel dialogue entre passé et présent instauré en ses murs,

 

les questionnements que les œuvres présentées instillent chez le spectateur, 

 

sa participation à la préservation de la mémoire à travers la mise en lumière de récits trop longtemps tus,

 

l’humanité qu’il redonne, ce faisant, à des êtres dont le statut de migrants les a injustement relégués au rang de citoyens de seconde zone

 

et par son spectaculaire design, le Fenix Museum, que j’ai exploré la semaine dernière avec beaucoup d’émotion, est désormais pour moi de ceux-là.

 

Une adresse must see !

AUTEUR - Le Pigeon Voyageur

Et si le cœur vous en dit, vous pouvez également partager avec moi vos impressions, émotions et pourquoi pas interrogations après lecture de cet article et découverte de ces photos (toutes prises par mes soins). Alors à vos plumes !

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