MUSÉE URBAIN TONY GARNIER, QUAND L’ART REVALORISE UN QUARTIER POPULAIRE LYONNAIS
mur peint du Musée Urbain Tony Garnier représentant le Stade Gerland, oeuvre de Tony Garnier
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 Plus de 90 ans après sa création à la lisière des villes de Lyon et de Vénissieux, le quartier des Etats-Unis, situé dans l’actuel 8 ème arrondissement de la capitale des Gaules,  demeure marqué par l’empreinte de son illustre concepteur : le visionnaire architecte-urbaniste lyonnais Tony Garnier.
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mur peint du Musée Urbain Tony Garnier représentant l’intérieur de la Villa de l’architecte
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C’est à la fin des années 1910 qu’Edouard Herriot, alors édile de Lyon, lui confie la construction de cet innovant et vaste ensemble d’Habitations à Bon Marché ( ancêtres des Habitations à Loyer Modéré que l’on connait aujourd’hui) destiné à accueillir les ouvriers travaillant dans les usines alentours.
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13 années, de 1920 à 1933, seront nécessaires à l’érection de ce projet d’urbanisation qui, très vite, se révèle avant gardiste.
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Soucieux du bien-être de ces travailleurs aux revenus modestes, Tony Garnier conçoit, en effet, une cité aux antipodes des habitats insalubres et précaires où ils étaient , jusque là , contraints, faute de moyens, d’habiter.Â
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 mur peint du Musée urbain Tony Garnier représentant Lyon dans les années 1900.
En haut : les ruelles sombres, les usines. En bas : les publicités relatives aux dernières inventions d’entreprises locales (voiture et cinéma)
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Ainsi, chaque îlot de la future Cité Garnier (comme elle sera ultérieurement baptisée) comprend  des immeubles à étages peu élevés ( de 3, initialement prévus, ce nombre passera, finalement et pour des raisons budgétaires, à 5) entourés de cours-jardins.
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immeubles de la Cité GarnierÂ
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Les appartements, de 2, 3 ou 4 pièces,  bénéficient, quant à eux, d’un confort et d’un aménagement résolument modernes pour l’époque.
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Ils possèdent, en effet, électricité, eau courante, gaz ainsi que sanitaires et disposent, par ailleurs, de  fenêtres et balcons.
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Cependant l’absence de rénovations entreprises depuis son inauguration, cinquante ans plus tôt, conjuguée à la vétusté des lieux conduisent, à partir du début des années 1980, à envisager une vaste et originale opération de réhabilitation de la cité.
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Au terme d’une consultation tripartite entre l’OPAC du Grand Lyon (aujourd’hui Grand Lyon Habitat), bailleur social propriétaire de la cité Garnier, les habitants de cette dernière regroupés en comités de locataires et les artistes de la coopérative CitéCréation, il est, donc, décidé, qu’ en sus des mises aux normes devant obligatoirement être effectuées, cette rénovation prendra également  la forme de réalisation de peintures murales.
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 Mais en s’affichant sur les pignons des immeubles, ces gigantesques murs peints seront bien plus que de simples Å“uvres d’embellissement.
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Car à travers eux, c’est bien la revalorisation de l’image de ce quartier populaire qui est, grâce à l’Art et la Culture, désormais considérée.
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Ainsi naît l’insolite Musée Urbain Tony Garnier dont les 25 peintures murales, exécutées entre 1989 et 2001, rendent hommage, sur plus de 5500 m2,  aux idéaux ainsi qu’aux réalisations architecturales lyonnaises de Tony Garnier.Â
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 mur signaletique au début du parcours du Musée Urbain Tony Garnier
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L’exploration de cet antre culturel unique en son genre débute  par la visite (pouvant se faire à l’aide d’ un audio-guide ou accompagné d’un guide) de l’ appartement-témoin datant des années 1930.
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Un lumineux trois pièces,  dépourvu néanmoins de salle de bain, dont l’aménagement a, en grande partie, été reconstitué grâce aux divers objets et souvenirs prêtés ou donnés par les habitants.
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 Le parcours  se poursuit, ensuite,  en flânant à travers les rues de cet incroyable ensemble urbain.
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On y découvre, en premier lieu, une série de murs peints reprenant les croquis et plans de La Cité Industrielle.
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Novatrice étude d’urbanisation, imaginée et dessinée par Tony Garnier lors de sa résidence, au début des années 1900, à la Villa, romaine, Médicis, qui sera publiée en 1917.
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La spécificité de cette utopique Cité idéale tient à la noble finalité qu’elle poursuit : apporter les meilleures conditions d’existence aux 35000 habitants qu’elle comptera.
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Un objectif qui, selon Tony Garnier, ne peut être atteint qu’en recourant au principe du zoning.
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La ville est, en conséquence, découpée en plusieurs secteurs assumant des fonctions parfaitement distinctes.
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Installée à la périphérie de la ville afin de réduire les nuisances, la zone industrielle est ainsi exclusivement réservée au travail.
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Les quartiers d’habitations accueillent, quant à eux,   maisons à l’architecture uniforme , entourées d’espaces verts, ainsi qu’ écoles primaires mixtes surmontées d’un toit terrasse.
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 mur peint du Musée urbain Tony Garnier représentant l’intérieur d’une habitation
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mur peint du Musée Urbain Tony Garnier représentant une école primaire mixte. La photo de classe est l’une de celles des habitants du quartier
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Un peu plus loin se dévoile la zone, comprenant, entre autre, bibliothèque, piscine et salle de spectacle, dévolue aux services publics conçus pour être ouverts de façon ininterrompue .
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La très haute Tour Horloge en est le symbole.
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mur peint de la Tour Horloge. Le cadran de 24 heures signifie que les services publics devaient y fonctionner en permanence
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Enfin, les établissements sanitaires occupent un espace situé plus au nord.
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La communication entre tous ces lieux est rendue possible grâce, notamment, à l’aménagement de routes et la construction, par ailleurs, de circuits ferroviaires dont l’existence est attestée par la création d’une gare au design pour le moins futuriste.
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 stations perspective
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Le deuxième temps fort de cette inédite visite est, ensuite, marqué par la découverte de 4 peintures murales évoquant, quant à elles, les grands travaux effectivement réalisés par Tony Garnier dans sa ville natale.
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Force est de constater que ces constructions,  le Stade Gerland,
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course d’un athlète en bas du mur peint du Musée urbain Tony Garnier représentant le Stade GerlandÂ
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les Abattoirs de la Mouche, anciens marchés aux bestiaux désormais transformés en Halle Garnier
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au premier plan Herriot et Garnier se serrent la main au moment de l’inauguration de l’édifice
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l’hôpital  de Grange Blanche depuis renommé Edouard HerriotÂ
et  le quartier des Etats-Unis, existent toujours et continuent de se démarquer dans le paysage lyonnais.
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Mais ce qui, in fine, rend davantage mémorable l’expérience proposée par le Musée Urbain Tony Garnier c’est de pouvoir clôturer l’itinéraire consacré à l’architecte-urbaniste français sur les Å“uvres de 6 artistes contemporains étrangers venant respectivement de Russie, d’Egypte, des Etats-Unis, d’Inde, du Mexique et de la Côte d’Ivoire.
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Empreints de leur culture respective, ils ont été invités à retranscrire leur vision de la Cité Idéale.
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Une ouverture  sur le monde qui fait écho à la dimension multiculturelle du quartier des Etats-Unis.
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Deux de ces Cités Idéales du Monde, ultérieurement exécutées par les peintres muralistes de CitéCréation, ont retenu mon attention :
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 Celle de l’Inde, vue par Shantaram Tumbda, nous plonge dans l’univers de la tribu méconnue des Warlis où  la transmission des connaissances se fait soit par la voie orale soit par les peintures collectives réalisées sur les murs des maisons.
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Les formes géométriques blanches, figurant des Hommes, renvoient tout aussi bien aux activités quotidiennes, que sont la cueillette ou l’agriculture,  qu’aux rites sacrés, à l’instar du mariage, des danses ou des fêtes, rythmant la vie de la communauté.
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Puisant son inspiration dans les représentations traditionnelles réalisées sur écorce, Youssouph Bath signe une Cité idéale de la Cote d’Ivoire où la présence de totems animistes, de masques ainsi que d’animaux  renvoient à la création de l’homme.
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Récipiendaire de plusieurs prix dont ceux, en 1991, du Label de la Décennie mondiale du Développement Culturel de l’Unesco et du Trophée du Tourisme de la région Lyonnaise, en 2002,  le Musée Urbain Tony Garnier a donc réussi son pari : redonner à la Cité Garnier et aux quartiers des Etats-Unis  un souffle salvateur.
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Et au vu du processus de rénovation, venant d’être entamé, de ses murs peints  ( en décembre dernier était, en effet,  inauguré  Les Temps de la Cité, nouvelle peinture historique remplaçant celle du Tony Garnier visionnaire), cet engouement n’est pas prêt de s’arrêter.
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Un atypique musée, à ciel ouvert, à n’assurément pas manquer lors de votre escale à Lyon.
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