LA SPECTACULAIRE VILLA CAVROIS, CET AVANT GARDISTE JOYAU ARCHITECTURAL DES HAUTS-DE-FRANCE
façade sud de la Villa Cavrois
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C’est à Croix, aux portes de Roubaix, que l’imposante Villa Cavroix dévoile, depuis près d’un siècle, ses originales façades, parées de briques jaunes, aux lignes géométriques horizontales.
Rien pourtant ne laissait présager que ce chef-d’oeuvre architectural, érigé au début des années 1930 par Robert Mallet-Stevens, sur la colline de Beaumont, afin de servir de résidence familiale à Paul Cavrois, un riche industriel roubaisien alors à la tête de plusieurs usines textile fournissant de renommées maisons de couture, survivrait à l’épreuve du temps.
Car l’histoire de cette singulière demeure bourgeoise, finalement inscrite en 1990 aux Monuments Historiques, rime, sans conteste, avec moult vicissitudes :Â
De l’investissement des lieux par les époux Cavrois (à l’été 1932, où la villa fut livrée, au début de l’année 1940 puis, à nouveau, de 1947 jusqu’à la disparition de Madame Cavrois en 1985) à leur transformation en caserne militaire allemande, après la réquisition opérée par la Wehrmacht au printemps 1940, durant l’Occupation.
De l’ultérieure modification de ses espaces intérieurs, confiée à l’architecte Pierre Barbe, pour y aménager, conformément au souhait de son propriétaire, des appartements indépendants destinés aux fils aînés de la famille
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au rachat de la Villa, à la fin des années 80, par une société immobilière souhaitant la démolir pour bâtir en lieu et place plusieurs lotissements.
De l’état d’abandon avancé, marqué par des pillages, squats et dégradations, dans lequel elle demeura durant la décennie qui suivit à son acquisition, en 2001, par l’Etat.
Et des aussi coûteux, titanesques que minutieux travaux de restauration « à l’identique » menés entre 2003 et 2012 (sur lesquels revient d’ailleurs un documentaire projeté au sous-sol de la bâtisse accueillant aujourd’hui une matériauthèque après avoir jadis hébergé cave à vin, buanderie, chaufferie et garage)
sous-sol de la Villa Cavrois
jusqu’à la très attendue ouverture au public de la maison en 2015.
Aux antipodes du style architectural anglo-normand prisé dans la région, l’inoubliable Villa Cavrois fait donc, nonobstant une articulation symétrique, résolument classique, séparant l’aile parentale des espaces dévolus aux enfants et domestiques, figure de véritable manifeste de modernité.
Un avant-gardisme que Robert Mallet-Stevens a, ici, choisi d’exprimer à plus d’un titre :
En recourant aussi bien à des matériaux de construction peu employés à l’époque, comme le béton armé, le verre ou le métal, qu’à d’autres plus nobles, à l’instar de marbres (jaune de Sienne, noir de Belgique, vert de Suède, blanc de Carrare) et d’essences de bois rares (poirier, noyer, sycomore, chêne, bois de palmier, acajou de cuba, iroko, palmier, zingana), témoignant de la prospérité financière du commanditaire et conférant aux intérieurs un raffinement non ostentatoire.
coin cheminée dans le salon
En imaginant, ensuite, une maison totalement fonctionnelle, car pensée pour abriter la vie quotidienne d’une grande famille; conjuguant espace et confort avec élégance; dotée, en outre, d’équipements (ascenseur, chauffage central, téléphones, transmission sans fil, ventilation, monte-plat électrique, fourneau à gaz, baignoires, pendules électriques, fenêtres à guillotine, mobilier intégré, piscine) à la pointe de la modernité .
ascenseur signé Jean Prouvé
En accordant, par ailleurs, une place capitale à la lumière, qu’elle pénètre naturellement dans la maison par le biais d’immenses baies vitrées et fenêtres
ou qu’elle soit diffusée grâce à un système d’éclairage indirect réalisé par André Salomon, ingénieur spécialisé en la matière.
En soulignant et en démultipliant les perspectives offertes, depuis les vastes terrasses, la pergola, le belvédère,
le salon, les toits-terrasses, les allées du parc, la cuisine ou les chambres, sur le parc, la nature environnante et la silhouette de la Villa.
miroir d’eau et vue sur la façade sud de la Villa Cavrois
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En donnant, enfin, naissance à une spectaculaire oeuvre d’Art total, dont il a, jusque dans les plus infimes détails et en collaboration avec d’autres professionnels (André Salomon, Jean Prouvé, société Tubor), tout conçu : dessin de l’intégralité des meubles fabriqués pour s’adapter à leur usage , mise en place d’un décor épuré trouvant son origine dans l’incursion de Mallet-Stevens dans le monde du cinéma, choix de la couleur des murs,
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imagination des jardins et, bien évidemment, architecture de cette villa aux dimensions hors normes.
Difficile, en conséquence, de ne pas se laisser subjuguer:
Par la beauté de son porche auquel conduit une allée circulaire devant être empruntée par les automobiles
et par celle du vestibule ;
boites à lumière
cache radiateurs
Par la majesté du hall-salon bénéficiant d’une exceptionnelle hauteur sous plafond et s’ouvrant sur le parc
Par cette lumineuse cuisine traversante se distinguant par ses carreaux de faïence blancs, son sol en damier bicolore et son mobilier intégréÂ
l’Office, jouxtant la cuisine
Par la superbe salle à manger dédiée aux enfants ;
reproduction d’un relief de Jan et Joel Martel
Par l’intimiste fumoir aux couleurs chaudes jouxtant le bureau du maître des lieux,
Par le magistral escalier menant aux parties privatives situées aux premier et deuxième étage;
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Par l’extraordinaire salle de bain parentale
et par le boudoir chic de Madame Cavrois ;
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Par la mezzanine surplombant le salon, par le judicieux aménagement de l’aire, comprenant chambres, salles de jeux et d’études, réservée aux enfants,
et par la jolie pergola jouissant d’incomparables points de vue;
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Par la très design piscine, par le très beau parc à la française, où autrefois roseraie, verger, poulailler et potager depuis disparus avaient été créés, et par le long miroir d’eau.Â
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Empruntant aussi bien ses caractéristiques aux Å“uvres du Corbusier (autre figure de proue de l’Architecture Moderne), à celles de Frank Lloyd Wright qu’à des principes issus des mouvements Bauhaus et De Stijl;
Témoignant d’un inédit dialogue entre Architecture et Arts DécoratifsÂ
Et mettant les innovations technologiques au service du confort et du bien-être de ses propriétaires, la Villa Cavrois constitue, sans l’ombre d’un doute, une vibrante illustration du génie de Robert Mallet-Stevens.
Un maître d’oeuvre dont la tâche, ainsi que le rappellent les remerciements qu’il adressa à l’issue des travaux à Paul et Lucie Cavrois, fut grandement facilitée par l’entière liberté que ces derniers lui laissèrent (dans la limite néanmoins du budget fixé) pour imaginer cet écrin.
Où, il y a quelques semaines, ma visite des lieux fut , en dépit du mauvais temps auquel je fus confrontée, définitivement placée sous le signe d’émerveillements continus.
La Villa Cavrois ? Une adresse d’exception que je vous exhorte donc à aller explorer si vous faites escale dans la région des Hauts-de-France.
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