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REGARDS SUR MAKOKO, BIDONVILLE EN SURSIS SUR LA LAGUNE DE LAGOS

  |   AFRIQUE, Lagos, NIGERIA, PORTFOLIOS, TOUS   |   4 Comments

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Vue sur le bidonville lacustre de Makoko depuis le Third Mainland Bridge.

Lagos, Nigéria 

 

 

A mesure que le taxi, dans lequel je me suis engouffrée depuis l’aéroport pour rejoindre le quartier d’Ikoyi,  avale les premiers kilomètres du très emprunté Third Mainland Bridge , le plus long pont autoroutier d’Afrique reliant l’ île de Lagos (considérée comme le centre-ville)  à la partie continentale de cette mégalopole, se dessine progressivement à l’horizon la skyline de la capitale économique nigériane .

 

Un panorama que je délaisse pourtant au profit du captivant spectacle, se déroulant en contrebas du pont,

 

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que m’offre, en cette toute fin d’après midi du mois de juillet, la lagune enserrant la cité.

  

Celui d’un gracieux ballet  de pirogues évoluant sur l’eau alors que la lumière du jour décline peu à peu.

 

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A bord de ces frêles barques en bois, des pêcheurs (pour la grande majorité d’entre eux) .

 

Derniers témoins d’une ère désormais révolue où la richesse d’Eko , le nom de Lagos en langue Yoruba , était étroitement liée à leurs activités. 

 

A l’arrière plan se détachent, à perte de vue, des cabanes sur pilotis 

 

 

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que  je ne distingue presque plus, vitesse de la circulation lagotienne oblige.

 

 « That was Makoko on your right » .

 

Cette remarque du chauffeur de taxi me tire de l’ état contemplatif dans lequel je me trouve depuis quelques minutes.

 

J’opine de la tête car je l’avais déjà compris, ayant gardé en mémoire les émouvants clichés figurant Makoko, vus deux semaines plus tôt à l’exposition bruxelloise Dey Your Lane, de l’artiste Adolphus Opara. 

 

A cet instant précis, je sais d’ores et déjà que ma brève escale nigériane inclura obligatoirement un nouveau passage sur le Third Mainland Bridge afin de capturer en images ce que je viens de voir.

 

 Reste que contrairement à la confidentielle Nzulezo , au Ghana, ou à l’archi touristique Ganvié , au Bénin, Makoko est , par sa nature, désormais aux antipodes desdites cités lacustres. 

 

D’originel village de pêcheurs, il s’est, en effet, mué, du fait de l’explosion démographique urbaine  qui touche Lagos de plein fouet, en un tentaculaire (le plus grand au monde) bidonville sur pilotis , composé de plusieurs villages, où vit, dans des habitations de fortune dépourvues d’électricité, d’eau courante et de système d’assainissement, une communauté forte de plus d’une centaine de milliers de personnes.

 

Pêcheurs; provinciaux ayant échoué là après un exode rural, à la capitale, raté; immigré illégaux originaires des pays limitrophes;  personnes parmi les plus miséreuses : soit tous les laissés-pour – compte du boom économique que connait pourtant la première métropole du pays depuis quelques années.  

 

A vrai dire, la très défavorisée cité lacustre de Makoko fait honte aux autorités publiques lagotiennes à l’heure où ces dernières ont lancé un vaste plan de réhabilitation et d’embellissement  au terme duquel l’ancienne Eko offrira au monde un nouveau visage, davantage tourné vers la modernité.

 

Il n’est dès lors pas surprenant que, telle une épée de Damoclès, le démantèlement définitif du plus célèbre bidonville nigérian soit, depuis une quinzaine d’années, sérieusement à l’ordre du jour.

 

 En attestent d’ailleurs les expulsions forcées, à coup de bulldozer, outre les destructions qui y ont été ordonnées en 2005 puis en 2012.

 

Volonté de mettre un terme aux problèmes d’insalubrité ; souci de préservation environnementale pour pallier l’asphyxie rampante, due aux détritus qui y sont quotidiennement jetés, de la lagune de Lagos et mettre, par ailleurs,  un terme à l’inexorable montée des eaux;   désir de protéger le littoral subissant une forte érosion : voici les principaux motifs officiellement évoqués pour convaincre de l’urgente nécessité qu’il y a à rayer Makoko de la carte.

 

Mais ses habitants soupçonnent, plutôt, le gouvernement de vouloir céder, en détruisant leurs habitations sans les dédommager ni leur proposer de solutions de relogement appropriées,  à la convoitise des promoteurs immobiliers. 

 

Prêts, à tout (s) prix, à acquérir  les terres, ayant désormais pris de la valeur, situées en bord de mer et sur la lagune sur lesquelles ils bâtiront  de somptueux logements que s’arracheront les plus nantis.

 

 Eko Atlantic City, l’artificielle et gigantesque presqu’ île conçue sur le modèle de Dubaï, actuellement  en chantier (dans la lagune) le long de Victoria Island  et où seront édifiés bureaux, centres commerciaux, marinas ainsi que luxueux  appartements, en est une parfaite illustration.

 

Ou quand le phénomène, moins avouable,  de gentrification conduit aux délogements des moins fortunés..

 

Si Makoko est donc, pour l’heure, en sursis, cette cité n’en oublie pas pour autant de continuer, avec ses salons de coiffures, stations d’essence, églises, cliniques, marchés ambulants ou encore écoles ( à ce titre l’établissement flottant construit en 2014, à partir de bois recyclés et de bidons de plastique, par l’architecte nigérian Kunye Adeyemi avait suscité beaucoup d’espoir avant que les pluies diluviennes saisonnières ne le fassent s’effondrer en juin 2016), à vivre.

 

Ainsi, les pontons de ses cabanes en bois se transforment quotidiennement en aires de jeux allègrement occupées  par les enfants lorsque ces derniers ne naviguent pas, comme leurs aînés, sur l’eau.

 

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Ses pêcheurs, debout dans l’unique moyen de locomotion que constituent leurs pirogues,  s’éloignent du village, peu avant le lever du jour et après s’être approvisionnés en essence, pour lancer leurs filets en espérant que la pêche soit bonne .

 

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Dépositaires d’un savoir-faire reconnu, ceux qui ne pêchent pas s’activent, à contrario, dans les nombreuses scieries installées dans le bidonville .

 

 

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Quant aux  femmes, elles sillonnent les canaux de Makoko a bord de leurs embarcations pour vendre,  à l’instar de leurs consÅ“urs de Ganvié, des vivres.

 

Poissons rapportés par leurs époux  (qu’il soit frais ou  préalablement fumés)  outre d’autres marchandises. 

 

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L’activité bat donc son plein sur la lagune lorsque, le surlendemain de mon arrivée à Lagos, je réussis, après avoir obtenu l’autorisation des forces de police installées dans des guérites sur le pont, à marquer une halte sur le Third Mainland Bridge.

 

« You will not stay too long abi ? Coz it is normally forbidden to stop here. And by the way why do you want to do so ?  » (Vous n’allez pas rester longtemps n’est ce pas ? car il est interdit de s’arrêter sur le pont. D’ailleurs pourquoi souhaitez vous le faire ?), me dit, le visage un brin fermé, le chef à qui ses subordonnés m’ont conseillée de m’adresser avant de débuter ma séance photos.

 

 » Oga it won’t be long, I just want to take few pictures  of the fishermen » (Monsieur ce ne sera pas long, je souhaite juste prendre quelques clichés des pêcheurs) , est ma réponse .

 

D’un signe de la main il me fait comprendre que je peux y aller.

 

A ses côtés, un chauffeur de danfo ( bus collectifs de couleur jaune qui pullulent à Lagos), dont il vient de contrôler le véhicule, me dévisage étrangement.

 

Que je veuille photographier les panoramas offerts par Makoko, depuis le pont,  doit certainement lui paraître incongru.

 

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Encore une lubie d’Oyibo (surnom donné, au Nigéria, aux étrangers et plus spécifiquement aux Blancs ) pense t- il très probablement .

 

Mais qu’importe au final.

 

Car c’est grâce à cette demie heure passée à observer, à m’émerveiller et à shooter  ce qui, en ce début d’après-midi,  se passait sur la lagune que je tiens les photographies que j’ai pu partager avec vous tout au long de ce billet .

 

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Celles du quotidien d’Hommes, de Femmes et d’enfants qui, nonobstant  leurs difficiles et précaires conditions d’existence, persistent à se battre pour une vie meilleure.

 

 

AUTEUR - Le Pigeon Voyageur

Et si le cœur vous en dit, vous pouvez également partager avec moi vos impressions, émotions et pourquoi pas interrogations après lecture de cet article et découverte de ces photos (toutes prises par mes soins). Alors à vos plumes !

4 Commentaires
  • Célinie AHORE | Sep 13, 2016 at 21 h 32 min

    Hey merci pour ce partage preuve si besoin en était que le Journaldunpigeonvoyageur nous emmène hors des sentiers battus et nous permets de découvrir de multiples facettes de lieux connus ou inconnus,

    Keep on the good work et rrrrouh (oui je parle un peu le pigeon loool )

  • JOËL ATAYI—GUEDEGBE | Sep 15, 2016 at 0 h 48 min

    Franchement, chapeau pour cette investigation (c’est bien plus qu’un simple reportage) menée au pas de charge à propos de Makoko! Makoko ou a mauvaise conscience du boom immobilier de Lagos? Il y a toujours un envers du décor dont on ne doit pas détourner les yeux si l’on veut prévenir les explosions qui étonnent curieusement alors qu’elles résultent de telles situations initiales.

    En fait, il ne s’agit pas ici de condamner à tout prix qui que ce soit, mais de donner à voir et à réfléchir encore sur l’urbanisation dans le Tiers-monde après avoir constaté ce qu’il en est du côté de Makoko.

    Les villages lacustres de Ganvié, au Bénin et Nzulezo, au Ghana, semblent à la limite de cet étouffement visuel de Makoko qui respire encore par le dynamisme de la débrouillardise et une extraordinaire résilience. A l’image d’autres bidonvilles lacustres notamment situés aux Philippines et qui ont trouvé leur vie propre, certainement aux antipodes des normes communément admises de la « propreté » urbaine et…financière. Makoko survivra.

    • Le Pigeon Voyageur | Sep 15, 2016 at 12 h 44 min

      Merci Joël. Même si Makoko a sa part d’ombre (notamment s’agissant des trafics en tout genre et de la criminalité qui s’y trouvent), je reste persuadée que la réhabilitation de Lagos, incluant donc à terme la destruction de ce bidonville, ne saurait se faire sans un dialogue avec les populations déjà précarisées qui y vivent. Afin, notamment, de trouver des solutions pérennes qui permettent à ces dernières de pouvoir se reloger dignement mais aussi à la ville, subissant une pression démographique parmi les plus élevées du continent voire du monde, de se construire autrement. L’urbanisation ne devrait être possible qu’à ce prix..

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