SEYDOU KEITA OU LA MISE A L’HONNEUR DE LA PHOTOGRAPHIE MALIENNE AU GRAND PALAIS
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Fascinant pays Dogon,  spectaculaires villages construits sur les flancs de la falaise de Bandiagara, beauté du fleuve Niger qui se laisse découvrir, lors d’une promenade en pirogue, depuis la ville de Mopti,  patrimoine architectural d’exception, classé à l’Unesco, dans les villes de Gao, Djenné ou Tombouctou, attachante Bamako, sa capitale, sans oublier la vitalité de sa scène culturelle et artistique : voici ce que m’évoque le Mali, ce pays d’Afrique de l’Ouest, que je rêve de sillonner depuis si longtemps.
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Pourtant, force est malheureusement de constater que depuis l’occupation, en janvier 2012, de la partie septentrionale du pays par les rebelles Touaregs et les djihadistes d’Aqmi et d’Ansar Dine, la couverture médiatique dont bénéficie le Mali dans la presse occidentale se résume (presque) exclusivement (à l’instar du Nigéria) au terrorisme qui le touche.
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Qu’il s’agisse des attentats qui ont, ces derniers mois, été perpétrés sur son sol ou des interventions militaires menées, conjointement par les armées malienne, celles d’autres pays sahéliens et française, pour lutter contre cette menace insidieuse.
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L’ignominie (qui ne souffre pas la discussion) de ces attaques ne doit cependant pas nous conduire à  réduire la terre de Modibo Keita à ce seul fléau car, outre ses attraits touristiques indéniables, ce pays peut se targuer d’avoir, en outre, écrit plusieurs belles et riches pages artistiques du continent africain.
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Qu’il s’agisse de littérature ( feu l’écrivain Hamadou Ampaté Bâ en symbolisant la figure de proue ); de musique ( les mélopées, sur fond de kora, des griots ou les titres des artistes  Salif Keita, Ali Farka Touré, Rokia Traoré, Oumou Sangaré ou encore Inna Modja ont acquis une renommée internationale ) ou de mode ( les créations du couturier Chris Seydou ont contribué à valoriser le bogolan, un tissu traditionnel emblématique de la culture malienne, sur la scène internationale ).
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Mais également de 7 ème art (plusieurs de ses cinéastes, à l’instar de  Souleymane Cissé ou Cheick Oumar Sissoko, ont été primés à l’étranger) ; de peinture ( Amadou Sanogo, qui fut d’ailleurs l’un des invités de l’exposition bordelaise Folk Art Africain en septembre dernier, est une étoile montante de la peinture d’art contemporain malien) et, enfin, de photographie.
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A ce titre,  Malick Sidibe ou Seydou Keita,  dont j’avais déjà pu voir, en octobre dernier, quelques superbes clichés à l’exposition Making of Africa s’étant tenue au musée Guggemheim de Bilbao puis, en janvier 2016, lors de l’exposition Après Eden, Collection Arthur Walther présentée à la Maison Rouge à Paris, en sont les dignes représentants.
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C’est donc à Seydou Keita, photographe autodidacte considéré par tous comme étant le père de la photographie africaine, outre l’un des plus grands portraitistes du 20 ème siècle, que le Grand Palais a choisi, à raison, de rendre hommage à travers une importante rétrospective monographique éponyme qui y a ouvert ses portes hier  matin.
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entrée de l’exposition Seydou Keita, porte H, au Grand Palais
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du wax, du wax, du wax en écho aux fonds décoratifs utilisés par Seydou Keita dans ses portraits
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Réalisées entre 1948 (date de l’ouverture de son studio sur la parcelle familiale située dans le quartier de Bamako Coura) et 1962 (où, désormais devenu photographe officiel de la toute nouvelle république du Mali, il ferme son studio), les 300 Å“uvres, en noir et blanc, de Seydou Keita, ici exposées, témoignent, dans cette époque postcoloniale, du génie artistique de l’homme.
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Un artiste qui a, il va s’en dire,  révolutionné l’art du portrait dont la finalité devait, selon lui, « embellir » les personnes venues se faire photographier.
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Tout est donc étudié avec minutie pour que l’unique (pour des raisons économiques) prise de vue réalisée pour chaque portrait réponde à l’idéal précité en donnant  la meilleure image de ses clients.Â
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Pour ce faire, Seydou Keita opte donc pour des poses moins conventionnelles ( les clients sont, selon ses soins, placés de trois quarts, assis, allongés ou restent debout et il leur indique également comment positionner leurs mains et regarder l’objectif);  privilégie  la lumière naturelle pour les prises en extérieur réalisées dans la cour attenante à son studio et invente une esthétique, pour ses photographies, qui assurera sa renommée.
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Cette signature Seydou Keita transparaît, en effet, dans la mise en scène totalement inédite qu’il met en place : un décor fait de fonds à motifs décoratifs en tissu (dont certains en wax), renouvelés périodiquement, devant lesquels ses clients se tiennent ainsi que la possibilité qui leur est offerte d’emprunter, parmi tous les vêtements à la mode occidentale et accessoires (allant des bijoux et chapeaux aux radios, vespas, scooter jusqu’à la voiture même du photographe) mis à disposition dans son studio, ceux avec lesquels ils désirent se faire photographier.
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Par ce choix, plus révélateur qu’il n’y parait de prime abord, ils peuvent ainsi, le temps de la prise de vue, se transformer devant l’objectif en un personnage auquel ils aspirent et afficher, par ailleurs, des signes de leur réussite sociale avérée ou non.
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Loin  d’être de simples clichés, ces portraits (de grande qualité) de famille, couples, enfants, frère et sÅ“ur, jeunes hommes et femmes mais aussi ses autoportraits (initialement pris en format 13×18 , comme en attestent ces tirages « vintage » réalisés par l’artiste lui même et exposés au Grand Palais pour la première fois) , témoignent donc, au sortir de la seconde guerre mondiale et ce, jusqu’au début des années 60, des mutations sociales et culturelles (notamment) qui s’opèrent, peu à peu, dans la capitale malienne.
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Le passage d’une époque traditionnelle à une ère plus moderne.
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En conséquent, parcourir l’ exposition Seydou Keita c’est, non seulement, découvrir l’exceptionnel talent d’un artiste dont le travail ne fut découvert en Occident qu’aux débuts des années 1990; plonger, grâce à tous ces visages, dans le Bamako des années 40 – 60… mais également prendre conscience de l’incommensurable source d’inspiration qu’il a été  pour  la génération de photographes, issue du continent, qui a suivi.
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Si avec ses portraits en noir et blanc, également réalisés en studio, le camerounais Samuel Fosso s’inscrit dans cette tradition chère au peintre malien, c’est, à mon sens, le  sénégalais Omar Victor Diop qui s’en rapproche le plus.
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Il suffit pour cela de jeter un Å“il aux portraits tirés de sa série Studio des Vanités, lesquels font écho à  la mise en scène « kéitaienne », pour s’en rendre compte.
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Autant d’Å“uvres (celles de Samuel Fosso et d’ Omar Victor Diop) que j’ai  pu également découvrir, en automne dernier, à l’exposition bordelaise Folk Art Africain, à celle de Making Africa à Bilbao  ou encore, à Paris, au Photoquai du Quai Branly
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 Hier matin, c’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai voyagé, en attendant de pouvoir un jour fouler le sol malien, à Bamako grâce aux superbes portraits de Seydou Keita.
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Une échappée culturelle que, vous vous en doutez, je vous recommande vivement !
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Et j’oubliais : pensez à faire un arrêt au photomaton installé à l’entrée de l’exposition pour pouvoir repartir avec quelques photographies souvenir façon Seydou Keita 🙂
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Voici donc, pour vous mettre l’eau à la bouche,  quelques uns de mes clichés, coup de cÅ“ur, pris sur place.
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Bon voyage au Mali !
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les tirages argentiques modernes, réalisés entre 1993 et  2001, signés par Seydou Keita
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L’homme à la fleur
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portrait de Seydou Keita avec ses deux premiers fils
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 Seydou Keita et l’une de ses épouses
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 l’odalisque
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tirages vintage (d’époque) de Seydou Keita retrouvés chez son encadreur et exposés pour la première fois
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certains éléments, notamment les bijoux, de ces portraits féminins ont été colorisés, à la demande des clients, par son encadreur
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Barbara | Avr 1, 2016 at 14 h 10 min
Magnifique exposition! Merci pour cette visite virtuelle qui me motive encore plus pour découvrir de mes propres yeux ces magnifiques clichés.
Le Pigeon Voyageur | Avr 1, 2016 at 14 h 43 min
My pleasure Barbara ! Cette exposition est véritablement à la hauteur de l’immense talent de Seydou Keita
Olivia DUMAS | Avr 3, 2016 at 8 h 07 min
Superbe article. Je ne sais pas quelle est la durée de l’exposition mais j’espère pouvoir y faire un tour la semaine prochaine. ?
Le Pigeon Voyageur | Avr 3, 2016 at 8 h 11 min
Merci Olivia ! l’exposition se tient jusqu’en juillet 🙂 donc tu auras tout le temps de l’explorer 🙂
Kany | Avr 4, 2016 at 23 h 21 min
il était sans aucun doute un photographe de talent . Merci de m’avoir permis de voir ses Å“uvres 🙂
Le Pigeon Voyageur | Avr 5, 2016 at 9 h 29 min
My pleasure Kany ! Il faut vraiment qu’on organise ce roadtrip, prévu depuis des décennies, au Mali 🙂