IRRÉSISTIBLE NOLA, ENTRE LIEUX INCONTOURNABLES ET INATTENDUES FACETTES
fresque du street artiste Brandan Odums, alias B-Mike, rendant hommage au musicien Travis Hill , surnommé Trumpet Black
Le week-end dernier, l’envoûtante Nouvelle-Orléans, fondée, en 1718, par l’explorateur français Jean-Baptiste Le Moyne, Sieur de Bienville, a officiellement donné le coup d’envoi des célébrations marquant son Tricentenaire .
3 siècles au cours desquels celle que l’on surnomme indifféremment Big Easy, Crescent City ou, tout simplement, Nola sera parvenue à préserver ses singularités.
vue sur la skyline de Nola
bateau à aube sur le Mississipi
emblématique street-car au cœur de la ville
Rusty Rainbow Bridge , Crescent Park
enseigne dans le French Quarter
Harley Davidson d’un officier de police rencontré dans le French Quarter
Envers et contre tout.
Marquée, en effet, du sceau des sombres heures de l’Esclavage puis de la Guerre de Sécession;
Détruite, à plusieurs reprises, par des catastrophes naturelles qui, à l’instar de l’ouragan Katrina, en 2005, causèrent d’importants dégâts matériels outre la mort de milliers de personnes;
Mercedes Benz Superdome, gigantesque stade couvert où trouvèrent refuge les sinistrés de l’ouragan Katrina en 2005
Confrontée, au lendemain de ce terrible coup du sort, à l’ exode massif d’une population ayant alors (presque) tout perdu,
force est pourtant de constater qu’à l’instar du roseau de Jean de la Fontaine, la Nouvelle-Orléans a souvent plié face à l’adversité mais jamais rompu.
Puisant, au lendemain de chaque épisode douloureux vécu, dans sa remarquable identité, semblable à celle d’aucune autre ville du pays, et dans son inouïe résilience tous les ressorts d’une renaissance à priori inespérée.
Et même si par endroits pauvreté ainsi que stigmates des épreuves récemment endurées demeurent encore visibles, cette ville-joyau du Deep South, riche de son Histoire, ses traditions et sa diversité, peut dorénavant se targuer de renouer avec dynamisme pluriel et attractivité touristique.
Métissage culturel, hérité des populations (française, espagnole, amérindienne, cajun, créole, africaine et américaine) qui la bâtirent, transparaissant dans l’architecture colorée, les croyances ainsi que la gastronomie locales ;
Omniprésence de la Musique et plus particulièrement :
Vibrantes notes de Jazz, dont elle est, depuis le début du 20 ème siècle, l’incontestable berceau, résonnant en permanence dans ses rues, clubs et renommés festivals;
Scène artistique en pleine expansion, sans oublier l’extrême gentillesse de ses habitants : autant d’atouts qui ont contribué à faire de la Nouvelle-Orléans une destination unique aux Etats-Unis.
Après l’avoir explorée, en avril dernier, durant le French Quarter Festival, voici enfin venu le temps de partager ici mes souvenirs de cet inoubliable voyage.
NOLA , BERCEAU DU JAZZ
fresque visible à l’aéroport de Nola
Dès l’aéroport international, d’ailleurs baptisé en hommage au musicien Louis Armstrong, où fresques et panneaux célèbrent les grands Maîtres à ce titre , Nola confirme, si besoin encore était, son statut de capitale américaine du Jazz.
L’Hommage se poursuit ensuite à travers la ville grâce aux statues érigées de légendaires jazzmen,
statue de Louis Armstrong à Algiers
aux multiples œuvres de street-art d’inspiration musicale,
fresque murale, Second Lines, Henry Lipkis
et aux clins d’œil faits dans les musées.
auditorium du New Orleans Museum of Art
Néanmoins, c’est principalement dans la rue puis au sein des innombrables clubs dédiés que le Jazz trouve sa plus parfaite forme d’expression.
Comment résister aux brass bands rivalisant de talent pour offrir aux mélanomes des échappées sensorielles d’anthologie ?
Une fièvre musicale qui atteint son paroxysme durant les festivités du Carnaval ( en février) suivies, quelques mois plus tard, par celles des emblématiques French Quarter (en avril) et Jazz & Heritage Festival (en mai).
Déjà unique, cette plongée jazzy se révèle encore plus exceptionnelle au cours des concerts-live donnés dans l’une ou l’autre des mythiques salles de la ville.
Au cœur du quartier de Treme, hier défavorisé et aujourd’hui en cours de gentrification, le Ooh Poo Pah Doo, bar
familial ouvert, en 2013, par Judy Hill (chanteuse et fille du célèbre musicien Jesse Hill dont le tube éponyme , sorti dans les années 60, donna son nom au lieu) constituait ainsi une enclave de choix.
Où habitués et amateurs avertis venaient, dans une ambiance conviviale, écouter les Maîtres d’hier (via le juke box installé) et les génies prometteurs de demain (s’y produisant alors) .
Parmi eux figuraient les talentueux, appartenant de surcroît à la même lignée familiale,Trombone Shorty ainsi que feu Travis Hill, prématurément emporté par la maladie lors d’une tournée au Japon en 2015.
Faute d’avoir pu réunir les fonds nécessaires au déménagement de son établissement, Judy Hill a, cet été, malheureusement été contrainte de fermer le Ooh Poo Pah Doo Bar.
Puissent donc ses recherches d’une nouvelle adresse prochainement aboutir car ce lieu possédait une âme qui ne saurait mourir.
N’hesitant pas à entamer des discussions à bâtons rompus avec ses clients (comme ce fut le cas avec moi le soir où je pris place au comptoir ), Judy n’avait, en effet, qu’un seul souhait : partager avec eux, de la plus simple des manières, sa passion pour le Jazz et la musique.
Ce qu’elle faisait assurément avec brio.
Sur Frenchmen Street, dans le quartier du Faubourg Marigny, la scène du Spotted Cat a, ensuite, été mon second coup de cœur.
Loin d’exclusivement se cantonner au Jazz, sa programmation offre d’autres horizons musicaux en diffusant Blues et Zydéco cajun.
Merveilleuse occasion pour esquisser, aux côtés des autres spectateurs présents, quelques pas de danse.
Reste que si je ne devais vous recommander qu’une seule adresse où écouter du Jazz à Nola, ce serait sans hésiter la très intimiste salle du Preservation Hall.
Mecque, aux murs passablement décatis , du French Quarter ayant accueilli plusieurs pointures .
D’une durée de 45 minutes, les sets qui y sont joués par d’exceptionnels musiciens appartiennent à ces expériences restant à jamais gravées dans la mémoire.
De l’intensité. De la puissance. De la maîtrise. De l’authentique. De l’émotion.
En somme un rendez-vous musical à ne manquer sous aucun prétexte.
Et pour être certains d’avoir une place assise, pensez à effectuer votre réservation à l’avance, totally worth it !
For the love of music, for the love of Nola.
NOLA, ATYPIQUE TERRAIN D’ARCHITECTURE
Incontournable, l’exploration du, tout aussi préservé qu’animé, Vieux Carré (aussi appelé French Quarter), jadis investi par de riches familles (telle celle des Duparc-Locoul, propriétaires de la Laura Plantation), l’est assurément.
En premier lieu pour s’émerveiller devant la majesté de son architecture coloniale devenue l’une des images d’Épinal de la Nouvelle-Orléans.
Ses étroites rues, Royal, Toulouse, Chartres et Bourbon Street, dévoilent de magnifiques maisons créoles construites sur plusieurs niveaux, dont le rez-de-chaussée abrite désormais ateliers, galeries d’art, boutiques, bars ou restaurants, et possédant d’ irrésistibles balustrades en fer forgé.
Mais mefiez-vous des apparences car ce pittoresque quartier cache d’autres merveilles architecturales dont l’existence reste insoupçonnable depuis la rue.
Impossible, par exemple, de s’imaginer que l’hôtel Bienville House, sis Decatur Street, possède un si charmant patio ,
que le rooftop de l’Hotel Montéléone abrite une piscine panoramique
ou que plusieurs restaurants, tels le Café Amélie ou The Court of Two Sisters, jouissent d’agréables cours intérieures ombragées.
Tout le charme de l’historique Vieux Carré ne saurait donc être uniquement circonscrit à l’effervescence, tant diurne que nocturne, de ses voies et à la somptuosité de ses façades.
Poussez les portes, vous ne serez pas déçus.
Changement, ensuite, d’atmosphère dans les quartiers de Bywater puis de Treme (le plus ancien des Etats-Unis abritant une communauté noire) où de charmantes maisons colorées se succèdent pour le plus grand bonheur de nos pupilles.
maisons à Bywater
´
maisons à Treme
Les séculaires propriétés ante-bellum, reconnaissables à leurs massives colonnades grecques, d’Esplanade Avenue
et du résidentiel Garden District, que l’on rejoint à bord du célèbre Tramway Saint Charles,
offrent, quant à elles, un inattendu regard sur la diversité architecturale nouvelle-orléanaise.
Autant d’ imposantes demeures, entourées de jardins bien entretenus, où prospères familles locales et nombreuses célébrités ont, dans un environnement paisible, élu domicile.
Maison appartenant à Sandra Bullock
Ce goût pour les constructions atypiques se manifeste, par ailleurs, dans l’érection des édifices religieux, outre celle des deux principaux cimetières que compte Nola.
cathédrale Saint Louis
Les vitraux de la cathédrale Saint Louis
et de l’église Sainte Augustine
,où j’ai pu assister à une émouvante messe dominicale des Rameaux , qu’accompagnait un cœur Gospel à donner des frissons, m’ont ainsi marquée par leur beauté .
S’agissant des Saint Louis n.1
cimetière Saint Louis n.1
tombeau de l’Italian Society
et Lafayette Cemeteries
, se distinguant par leurs tombes surélevées, ils permettent, en particulier pour le premier cité, de :
voir le futur caveau que l’acteur Nicolas Cage s’y est fait aménagé
mais aussi de toucher du doigt la religion vaudou dont les croyances animistes, importées par les esclaves venus d’Afrique et de la Caraïbe , imprègnent encore la société louisianaise .
Mise à l’honneur au Voodoo Museum, Marie Laveau, l’une de ses plus grandes prêtresses, y est en effet enterrée et voit sa tombe régulièrement recouverte de fleurs.
portrait de Marie Laveau
Autel et poupée au Vodoo Museum
Impossible pour moi de clôturer ce paragraphe consacré à l’architecture de la Nouvelle-Orleans sans un mot pour ses tours modernes, nombreuses comme partout ailleurs dans le pays,
sa superbe skyline,
ses entrepôts réhabilités du Warehouse District, ses ponts
ainsi que l’étonnant phare du lac Pontchartrain.
3. NOLA, VILLE D’ART
Peace Wall
fresque de B-Mike faisant écho à celle réalisée par Michel-Ange , au Vatican, au plafond de la Chapelle Sixtine
Ville du Jazz et d’architecture, la Nouvelle-Orléans peut aussi s’enorgueillir d’être une cité promouvant l’Art.
Une halte à Jackson Square, où de nombreux peintres exposent leurs tableaux, permet d’en attester.
Tout comme les sculptures d’artistes contemporains partout installées dans la cité,
Funnel Tunnel, Patrick Rennel
la multiplication des galeries élisant domicile dans l’ Art District et les œuvres de street-art qui, à l’instar de l’ Umbrella’s Girl de Banksy,
ont investi ses murs et façades.
Gasa Gasa, MTO
Je reste, de même, persuadée que le projet Studio Be, réalisé, en 2016, par le street artiste B-Mike dans un immense entrepôt désaffecté ouvert à la visite, vous séduira.
Rendant hommage à plusieurs emblématiques figures afro-américaines (Martin Luther King, Maya Angelou, Nina Simone ou Jean-Michel Basquiat),
ses fresques n’en oublient pas pour autant de s’interroger sur les maux (racisme, discrimination) auxquels la communauté noire doit, encore aujourd’hui, faire face aux Etats-Unis.
Que dire, par ailleurs, du magnifique NOMA (New-Orleans Museum of Art), créé au début du 20 eme siècle,
si ce n’est que ses riches collections, exposées sur deux étages, permettent une incroyable échappée artistique.
Se jouant des horizons (Asie, Afrique, Océanie, Amériques, Europe), des époques (ancienne ou plus récente) mais aussi des disciplines ( peinture, arts décoratifs, sculpture).
Chef Assis, Ashanti, Ghana
Jaguar, Costa Rica
Toyin Ojih Odutola, The Garden Party
John Chamberlain, Inka Dinka Dew
Mais l’autre atout du NOMA tient à la possibilité qu’il offre, après l’avoir exploré, de visiter l’adjacent jardin de sculptures, Sydney et Walda Besthoff, inauguré en 2003.
Ce dernier rassemble une soixantaine d’œuvres monumentales , que l’on doit au génie d’artistes aussi réputés que Robert Indiana, Anish Kapoor, Antoine Bourdelle, Fernando Botero, Ossip Zadkine, Auguste Rodin ou Louise Bourgeois pour ne citer qu’eux, surgissant aux détours d’un sentier, d’un lac ou même d’un bosquet.
Auguste Rodin
George Segal, Three Figures and four benches
Jaume Plensa, Overflow
Anish Kapoor
Deborah Butterfield, Restrained
4. NOLA, GASTRONOMIE ET BARS
plat d’écrevisses
A l’image de sa population, la gastronomie nouvelle-orléanaise reste très métissée, empruntant aux traditions culinaires européenne, africaine, créole et américaine.
Plutôt roborative, elle compte toutefois plusieurs incontournables spécialités : les écrevisses, cuites à l’étouffée et servies avec du maïs,
la jambalaya ( paella revisitée), le savoureux gumbo ( soupe typique à base de légumes et viande)
jambalaya
les po-boy et muffuleta ( sandwiches à base de crevettes ou de viande pour le premier , de charcuteries italiennes et de fromage pour le second),
l’exquis poulet frit
poulet frit de Willie Mae’s
, un classique de la Soul Food que je vous recommande chaudement de savourer , accompagné d’un mac and cheese, chez Willie Mae’s
outre les orgasmiques beignets saupoudrés de (beaucoup de) sucre glace de la maison Café du Monde, une institution qui régale les becs sucrés depuis plus de 150 ans.
Offrez vous également une parenthèse gustative enchantée au design Méril
aux magnifiques Latitude 29 et Carribean Room, tables respectives des hôtels Bienville House et Pontchartrain,
restaurant Carribean Room
ou au Saint Roch Market , un ancien marché couvert métamorphosé en food court dont les comptoirs, tels ceux d’Elysian Seafood (proposant des fruits de mer d’une extrême fraîcheur) et Fritai (mettant à l’honneur la cuisine haïtienne), sont de véritables invitations à la gourmandise.
huîtres vendues par Elysian Seafood
délicieuse assiette de chez Fritai : bananes pesées, riz, pikliz et griots de porc
Enfin, ne quittez pas la Nouvelle-Orleans sans goûter aux délicieux cocktails (Sazerac, Vieux Carré, Hurricane) qui y furent inventés.
Si Bourbon Street concentre un grand nombre de bars, à l’instar du presque tricentenaire Laffite ´s Blacksmith Shop installé dans une maison en briques et à colombages, la ville compte pléthore d’autres adresses, méritant tout autant l’escale.
A commencer par l’élégant Sazerac , niché au sein de l’historique Roosevelt Hotel.
Parfait endroit s’il en est pour siroter l’éponyme breuvage, réalisé à partir de whisky, définitivement associé aux merveilles gustatives de Crescent City.
cocktail Sazerac, Sazerac Bar
Le Carrousel , bar tournant, aménagé autour d’un véritable manège, de l’Hotel Montéléone,
le Hot Tin, perché au sommet de l’hôtel Pontchartrain,
ainsi que The Cure s’inscrivent également dans mon Top 5 de lieux insolites où prendre l´apéritif à Nola.
les délicieuses truffes au chocolat et sel marin de The Cure
Vibrante, Attachante, Festive, Métissée , Culturellement riche, la Nouvelle-Orléans offre indiscutablement le visage d’une ville sachant saisir et célébrer l’instant présent.
« Laisser les bons temps rouler », une expression cajun répétée la bas à l’envie qui, à l’aune de cet ultime constat, prend tout son sens.
Placée sous le signe des festivités du Tricentenaire, l’année 2018 ne pourra donc qu’illustrer cette séduisante philosophie à laquelle j’ai été sensible.
Nola, as you stole my heart, I will definitively be back ..
Jo | Jan 12, 2018 at 13 h 27 min
<3
Le Pigeon Voyageur | Jan 12, 2018 at 13 h 33 min
Ta ville de cœur Josiane , n’est ce pas 🙂 ?
Joëlle | Elle dit 8 | Jan 12, 2018 at 20 h 40 min
Merci pour le voyage et pour ta prose! ❤️ Un régal ✨ As usual ?
Le Pigeon Voyageur | Jan 12, 2018 at 20 h 48 min
???? Joelle. Nola m’a assurément inspirée ces mots. Une ville qui, j’en suis certaine, t’envouterait également ?
YEO Delphine | Jan 17, 2018 at 10 h 25 min
Magique ! Un rêve de petite fille d’y aller. Cette ville émet comme des ondes de bonheur, ton récit aussi. Merci Ivy. Et Joyeux anniversaire ? un très bon prochain voyage donc ?
Le Pigeon Voyageur | Jan 17, 2018 at 18 h 36 min
Merci bcp Nouna pour tes mots et tes souhaits d’anniversaire 🙂
Nola est assurément une ville envoûtante face à laquelle il me semble impossible de rester indifférent